Original scientific paper
LA FRESQUE DE ST-LUC À KOTOR
Vojislav J. Đurić
; Beograd
Abstract
Dans la partie occidentale de l’églese, sur le mur sud, on a récemment découvert trois figures de saints dont les noms sont restés inconnus. L’analyse vestimentaire et iconographique a permis de reconnaître, dans le personnage du milieu, le pape St-Sylvestre. Il porte une mitre blanche de forme conique, pareille à celle dont beaucoup de papes de la peinture italienne du XIe au XIIIe siècles sont coiffés. D’après les textes médiévaux, le pape Sylvestre aurait reçu cette »couronne« blanche de l’empereur Constantin. Dans la peinture romane il est représenté assez souvent avec cette coiffure, et plus rarement dans la peinture byzantine. La mitre qu’il porte dans l’église de St-Luc à Kotor est ornée de deux S majuscules, que l’on pourrait éventuellement déchiffrer comme S(anctus) Sy(lvestrus). Le pape y est représenté comme un vieillard aux cheveux blancs, avec une longue barbe en oointe qui, dans l’iconographie médiévale, correspond au type de son visage. Il est habillé d’une chemise ornée de perles et de broderies comme en revêtent les évêques de la peinture italienne, en particulier apulienne. Par-dessus cette chemise il porte un large omophorion byzantin, qui se distingue du pallium occidental. La peinture italienne méridionale entre le XIe et le XIIIe siècles connaît l’une et l’autre forme de distinction épiscopale. Il est clair que l’iconographie de St-Sylvestre est catholique, et qu’elle a été introduite à Kotor par l’intermédiaire de la Pouille.
Les deux saintes représentées à ses côtés, à en juger d’après leur habillement seigneurial, la jeunesse de leur visage et la croix dans la main de la sainte de gauche, représentant des vierges martyres d’un haut rang social. La vierge de gauche, avec sa couronne garnie de perpendullas, pourrait être Sainte Catherine d’Alexandrie, qui, d’après son hagiographie, était d’origine impériale. Parmi toutes les saintes que l’iconographie byzantine représente avec des couronnes impériales, c’est elle que l’église catholique a accueillie avec le plus d’empressement. La vierge de droite, dont la tête est nouée d’un mouchoir blanc orné de motifs, pourrait être Sainte Barbe ou Sainte Agathe. L’une et l’autre sont le plus souvent représentées à Byzance, comme aussi en Occident, avec des mouchoirs blancs sur la tête et des vêtements seigneuriaux, quoiqu’elles portent parfois aussi des »couronnes« blanches. Sainte Barbe était plus populaire que Sainte Agathe, dont le culte, au moment de la peinture de cette fresque, s’était propagé par la région de Catane.
Des mélanges semblables d’iconographie byzantine et romane apparaissaient, au XIIe et XIIIe siècles, date de la peinture de notre fresque, sur le territoire de toute l’Italie et en particulier à Venise, à Rome et dans l’Italie méridionale. Les mélanges les plus proches du nôte sont apparus dans les chapelles rupestres contemporaines de la Pouille, où l’on discerne des traits semblables dans les détails vestimentaires, et des ornements identiques. La bande ornementale qui encadre la fresque et qui est ornée düne série de croix, a été empruntée aux mosaïques de Sicile, par les fresques des chapelles rupestres de la Pouille de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, et c’est de là qu’elle est parvenue à Kotor. Tout le reste du répertoire ornemental est emprunté à la peinture byzantine de la fin de l’époque des Comnènes. Les éléments du style de la fresque de Kotor – le volume des visages obtenu sans traitement linéaire et l’effet décoratif des vêtements – nous révèlent que la fresque de Kotor appartient à une époque transitoire. C’est le moment atteint par la peinture byzantine de la fin du XIIe siècle, telle qu’elle nous apparaît dans les ateliers de peinture de Macédoine (à St-Nikolas Kasnits et au narthex des Sts-Anargyres de Castoria, etc). Une cretaine insistance sur les contours et sur les plis des vêtements drapés, dévoile une influence romane. Des solutions semblables ont été adoptées par les peintres grecs et leurs disciples immédiats dans les fresques des églises rupestres de la Pouille (St-Nicolas de Faggiano, St-Vito Vecchio à Gravina, Sta Marghareta près de Mottola, etc.) La peintre de Kotor s’en distingue par sa qualité et par la pureté de ses formes byzantines. Il s’agissait probablement d’un peintre grec d’origine macédonienne, qui s’était adapté à son nouveau milieu. Une chose semblable a dû de passer avec cet autre peintre dont on suppose qu’il était grec, qui est l’auteur des fresques de l’atrium de l’église bénédictine de St-Angelo in Formis. L’artiste de Kotor montre beaucoup de traits communs avec l’oeuvre de ce peintre.
Les donateurs de l’église de St-Luc à Kotor, construite en 1195, sont le bourgeois de la ville Mauro Casafranca et sa femme Buona. Toutes les caractéristiques de sa peinture nous disent qu’elle date des environs de 1200. Dès cette époque Kotor était le port le plus important de l’Etat serbe. L’organisation ecclésiastique catholique dépendait de l’archevêché de Bari. C’est de là que venait l’influence de la peinture de la côte italienne sur la peinture catholique de Kotor. La population orthodoxe – comme nous le voyons dans l’église de »Riza Bogorodice« à Bijela, élevée quelques années plus tard – n’était pas encline aux compromis. Sa peinture est restée strictement fidèle à l’iconographie et au style d’origine byzantine. Une telle polarisation des conceptions artistiques est restée l’une des caractéristiques durables de l’art du littoral serbe, tout au long du Moyen Age.
Keywords
Hrčak ID:
160220
URI
Publication date:
23.12.1980.
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