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Deux inventaires de marchands comme indicateurs de la vie economique et culturelle de Zadar au XIVe siècle
Sabine Florence Fabijanec
; Zavod za povijesne znanosti HAZU
Sažetak
L’étude de deux inventaires de marchand(e)s zadarois du milieu et de la fin du XIVe siècle,
accompagnée de leur transcription, a permis de mettre en lumière plusieurs aspects négligés
de la vie économique et culturelle de Zadar au début du XIVe siècle.
En effet, l’historiographie croate ne s’est concentrée jusqu’à présent sur l’essor économique de
Zadar qu’à partir de 1358, date d’accession des Angevins au pouvoir, sans porter son attention
sur la production (pré)industrielle et commerciale de la commune avant cette période. Or,
grâce à l’inventaire de Fumiça Salvagnele, daté de 1346, et à une relecture des sources éditées
existantes, il est possible d’ouvrir tout un nouveau pan de recherches. L’exemple le plus
éclatant est celui de la production et du commerce de draps de luxe (futaine, soie, avec
dorures), ainsi que la confection de vêtements richement apprêtés (avec de nombreuses perles,
des fourrures et des gemmes). Jusqu’à présent, l’introduction d’une production industrielle,
ou semi-industrielle, de draps, a toujours été placée à Dubrovnik à la fin du XIVe siècle, pour
répondre aux besoins de luxe des cours de Bosnie. Or, nous croyons avoir suffisamment
d’éléments pour déclarer que la production de draps a déjà été initiée à Zadar un demi-siècle
auparavant, pour répondre à une clientèle locale très aisée, ainsi qu’à la noblesse croate de
l’arrière-pays. Ces éléments sont : l’existence de draperius (fabriquant de draps), l’importation
de matières premières de qualité (laine d’Orient et coton de la Romanie), l’outillage trouvé
dans les inventaires d’hommes - et d’une femme - d’affaires, ainsi que l’abondance des
marchandises décrites dans l’inventaire de Fumiça.
L’autre volet négligé par l’historiographie croate est celui du commerce des épices - si l’on
excepte l’abondante littérature concernant l’exploitation et le commerce du sel dalmate. De
nombreux indices pourtant nous laissent à penser qu’il existait dès le XIVe siècle un marché
important d’aromates (surtout de poivre, de cannelle, de cumin, de safran et de sucre), qui se
poursuit au XVe siècle avec l’importation d’épices d’Alexandrie.
Dans le domaine lié à l’histoire sociale, l’exemple de Fumiça Salvagnele est l’occasion
d’observer l’activité économique des femmes dans la région dalmate. En dehors des activités
traditionnelles, comme la filature de la laine et le service dans les maisons, des femmes
s’affirment dans le monde des affaires : la première mercatrix est mentionnée en 1322 sur
l’île de Lastovo, Fumiça est la deuxième; on relève encore des tavernières à Dubrovnik, des
femmes qui déclarent leurs marchandises à la douane pour l’exportation, ainsi qu’une femme
qui continue le livre de compte de son mari (au XVIe siècle). Ces femmes d’affaires sont pour
la plupart des veuves. Elles ont repris l’activité de leur mari, mais elles ont pu tout aussi bien
lancer leur propre commerce sur les biens hérités. Leur champ d’action est nettement plus développé que celui des quelques femmes présentes sur le marché local pour la vente de
pains ou de fromages.
Pour ce qui est de la vie culturelle à Zadar, l’inventaire de Damien Martini de Treschiano et
celui - édité - de son collègue le drapier Mihovil de feu Petri montrent que les marchands
ont une grande culture livresque, qu’ils maîtrisent plusieurs langues. La présence d’une Bible
écrite en caractères glagolitiques, notamment, prouve qu’ils entretenaient avec soin l’héritage
linguistique et culturel croate. D’autres publications traitent par ailleurs de l’éclat culturel
de Zadar dès le XIVe siècle, grâce aux activités scripturales des monastères bénédictins et
franciscains.
Cet article, pour conclure, pose davantage des questions qu’il n’en résout, dans le sens où il a
été tenté d’ouvrir des voies de recherches nouvelles sur l’activité économique zadaroise pour
la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle, tout en contestant la primauté ragusaine quant à
l’invention de certaines activités industrielles - primauté souvent avancée en raison de l’éclat
postérieur de la République au XVIe siècle.
Ključne riječi
Hrčak ID:
28621
URI
Datum izdavanja:
15.12.2003.
Posjeta: 2.436 *